Cette semaine, Pouloulou s'intéresse au maraîchage sur sol vivant. Comme le souligne Semences & Progrès "l’idée que le sol n’est pas un simple support de culture, mais plutôt un milieu vivant, riche de millions de micro-organismes potentiellement utiles pour les cultures, s’impose de plus en plus à toute la profession agricole" (Semences & Progrès, 2016, p. 86). Cette notion et manière de cultiver le sol connait un regain d'intérêt chez de jeunes maraîchers que nous avons pu rencontrer mais elle n'est pas nouvelle.
Pourquoi faire du maraîchage sur sol vivant ? Quelle est la différence avec un maraîchage plus classique ? Quelles sont les avantages et limites de cette pratique ? C'est ce que nous allons voir !
Qu'est-ce qu'un sol vivant ?
Le sol est vivant ? Cela peut paraître évident. Néanmoins, pendant longtemps, le sol a été vu comme un support inerte et c'était à la plante qu'on s'intéressait. Considérer le sol comme vivant c'est s'intéresser à la grande diversité de micro-organismes (bactéries, insectes, champignons, etc.) qui vont extraire et rendre disponible la matière organique (comme le carbone ou l’azote) et minérale (comme le potassium ou le phosphate) pour les plantes qui vont les capter pour se nourrir et se protéger.
L'idée du maraîchage sur sol vivant est donc de favoriser la fertilité naturelle des sols en limitant le travail du sol et lui apportant de la matière organique.
Un peu d'histoire
Années 1930 : apparition de la notion de sol vivant. A cette époque, on commence à étudier les sols pour comprendre la vie microbienne complexe qui s'y développe.
Années 1940 : les politiques de modernisation réclament un sol "inerte" et standard. Dans le même temps, l'utilisation des engrais s'étend.
Années 1960 : regain d'intérêt pour le sol vivant avec le développement de l'écologie politique.
Années 1970 : de nouveaux travaux de recherche sur le sol voient le jour et les alertes sur l'appauvrissement de la vie des sols et ses conséquences se multiplient
Les étapes du maraîchage sur sol vivant
Les étapes suivantes sont à titre indicatifs et ne sont pas nécessairement appliquées à la lettre, notamment l’étape 1 avec engrais verts. Ce qui est nécessaire par contre, c’est l’apport conséquent de matières organiques et la limitation au maximum du travail du sol.
- Etape 1 : Appliquer un engrais vert pour décompacter le sol. Les engrais verts sont des plantes avec des priorités comme la captation de l'azote du sol ou des racines permettant d'ameublir le sol et ainsi de le rendre cultivable. On peut par exemple utiliser du trèfle comme engrais vert.
- Etape 2 : Apporter de la matière organique au sol. Cette étape consiste à mettre une protection végétale sur le sol comme un broyat de déchets verts.
- Etape 3 : Le paillage : on bâche ou on paille ensuite afin de permettre la décomposition des broyats. Le paillage fait obstacle aux mauvaises herbes, limite l'évaporation de l'eau et en se dégradant le broyat enrichit la terre en matière organique. L'idée est de nourrir le sol qui nourrit ensuite la plante.
- Etape 4 : Semences : au printemps, on retire les bâches et on sème directement dans le sol
Les avantages
- Diminuer les besoins en eau : le sol est plus poreux et donc retient mieux l'eau. De plus, l'eau s'évapore moins, en effet le paillage retient l'eau dans le sol en occultant les rayons du soleil
- Limiter les risques d'inondations : le sol converse mieux l'eau
- Réduire le recours aux produits chimiques (fertilisants, herbicides, ...)
- Assurer une fixation stable du CO2 dans le sol : "un sol vivant pourrait stocker jusqu'à 500kg de carbone par hectare et par an" (association Earthworm, 2019)
Et les limites ?
- Une grande utilisation de déchets verts est nécessaire. On peut alors se demander si les ressources seraient suffisantes si la pratique s'étend ?
- La pression des ravageurs : les limaces et campagnols restent de réelles problématiques
Aujourd'hui, il n'existe pas de vision long terme de ces pratiques. Des tests sont réalisés sur de petites surfaces et des analyses de sol sont réalisées fréquemment.
Merci à Léa et à Antoine pour les conversations passionnantes sur le sol vivant !
Justine Flachs
Pour aller plus loin
- La Chaine Youtube « Ver de Terre Production », mine d’or de ressources sur le maraîchage sur sol vivant (MSV) (cours en ligne, retour d’expériences d’agriculteurs, etc.)
- L'association Earhworm travaille à une méthodologie de quantification du carbone stocké dans les sols afin de rémunérer les agriculteurs pour les services rendus à la planète. Le modèle prendrait en en compte rotation culturale, travail du sol, rendement, données du sol, ...
- Le couple Lydia et Claude Bourguignon ont été parmi les premiers à alerter sur la dégradation des sols. Ils ont fondé le laboratoire d'analyse microbiologique des sols (LAMS) en 1989
- Des maraichers sur sol vivant à découvrir : https://www.instagram.com/lemaraicheur/?hl=fr - https://www.instagram.com/lesmaraichersdelauberdiere/
