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Les toits des villes peuvent-ils nourrir les citadins ?

Les villes posent aujourd'hui des défis environnementaux importants. En France, elles représentent 22% de la superficie, accueillent 77% des habitants, et représentent 67% des émissions de gaz à effet de serre (source WWF). L'alimentation est un défi quotidien. D'ailleurs, la distance entre le champ et l'assiette est de 1500 km en Europe. L'agriculture urbaine aide à prendre conscience de ces défis et propose des espaces de culture au sol, mais aussi sous forme de containers ou même en investissant les toitures.

Nous vous faisons aujourd'hui visiter un toit expérimental au cœur du 5ème arrondissement de Paris.

Bienvenue dans le potager avec vue sur Paris

A deux pas du Panthéon, sur les toits de l'école d'ingénieur AgroParisTech, se trouve un potager insolite. Celui-ci, perché à 25 mètres de hauteur, comprend 860m² de cultures avec des arbres fruitiers, des légumes et des ruches. Il est entretenu depuis 2012 par des ingénieurs-chercheurs dans le cadre d'un programme de recherche sur l'agriculture urbaine sur toits. Nous y avons rencontré Thomas Haden, ingénieur de recherche sur ce potager expérimental.

Tout peut pousser sur les toits ! Ici, les salades, blettes, tomates, basilic et courgettes ont été préférées aux céréales et aux légumes racines qui nécessitent beaucoup d'espace. Les différentes variétés coexistent dans les mêmes bacs : par exemple les tomates avec du basilic, ou encore des petits pois avec de la coriandre. Ces associations permettent de gagner en productivité et sont réalisées par exemple en fonction de l'emprise racinaire (des plantes aux racines profondes sont associées à d'autres aux racines plus proches de la surface) ou de l'ombrage qu'une plante peut procurer à une autre (par exemple, les tomates qui poussent en hauteur procurent de l'ombre au basilic).

La recherche réalisée par Thomas et l'équipe sur ce potager doit répondre à 3 grands défis :
- le potager est low-tech (basse technologie) : les procédés utilisés sont donc simples, économiques et reproductibles. En effet, il sera intéressant que les techniques testées ici puissent être facilement mises en place dans d'autres environnements !
- les cultures sont réalisées dans une démarche d'agriculture biologique (mais ne peuvent être certifiées Agriculture Biologique puisque la culture se fait dans des bacs et donc hors-sol)
- le sol dans lequel poussent les plantes doit être construit à partir de ressources présentes en ville. Cette exigence s'inscrit dans une démarche d'économie circulaire et locale, évitant ainsi de consommer des ressources qui seraient prélevées ailleurs (terreau, sol naturel). Thomas et l'équipe de recherche cherchent ainsi à constituer un équivalent de sol fertile, sans utiliser d'engrais, à l'aide par exemple des déchets des espaces verts, des déchets du bâtiment, ou encore des déchets domestiques et de cantine. Dans les prochaines semaines, l'urine va même être expérimentée !

Pouloulou sur les toits d'AgroParisTech

Et... ça fonctionne !

Les résultats sont très bons ! En effet, la récolte est bonne et les rendements sont similaires à ceux du maraîchage en pleine terre. Par ailleurs, les fruits et légumes sont propres à la consommation, alors qu'on aurait pu craindre la présence de métaux lourds liés à la pollution parisienne.

Et les avantages de ces cultures sur les toits sont bien plus larges que la production alimentaire. Cette agriculture en toiture permet en effet de :

  • valoriser les déchets de la ville.  A l'heure où les déchets représentent 360 kg/an et par personne (source Ademe), ce genre de solutions ne peut être que positive. 
  • retenir l'eau de pluie. 74% à 84% de l'eau de pluie est ainsi retenue ce qui est intéressant puisque les villes sont de plus en plus bétonnées, ce qui les rend plus imperméables augmentant les risques d'inondations. Végétaliser les toits permet alors de désengorger les égouts et de limiter les ruissellements qui ont pour conséquence de charger l'eau en polluants. 
  • rafraîchir la ville en été : les plantes rafraîchissent l'air et en cas de canicule servent d'isolant thermique aux habitations.
  • favoriser la biodiversité grâce aux insectes présents. Ici, le choix a aussi été fait d'ajouter des ruches. Comme nous vous en parlions dans notre article dédié aux abeilles, celles-ci sont essentielles aux cultures.
  • embellir la ville : ces potagers sont de petits havres de paix 

Enfin, de manière générale, l'agriculture urbaine s'accompagne souvent de projet sociaux et pédagogiques (jardins partagés, insertion professionnelle, activités pédagogiques...).

Des défis à relever avant d'envisager une généralisation à grande échelle

Selon une étude de l'Agence parisienne de l'urbanisme, 80 hectares de toitures à Paris représentent un fort potentiel de végétalisation (dont une partie en agriculture). La généralisation de cette agriculture prendra néanmoins du temps. D'ailleurs, une fois généralisée, on estime que l'agriculture urbaine ne pourra couvrir que 10% des besoins alimentaires sur certaines plantations comme les légumes secs et racinaires (source). Thomas le dit lui-même : l'objectif de ces toits n'est pas de permettre aux villes d'être autosuffisantes sur leur alimentation car ces installations restent marginales. En revanche, la multifonctionnalité de ces dispositifs et leurs avantages précédemment présentés sont particulièrement intéressants pour les villes et leurs habitants.

Les études menées par les chercheurs montrent de nouveaux défis :
- l'eau de ruissellement qui s'échappe des bacs est chargée en carbone et parfois en azote et nécessite donc d'être traitée. Cela est dû à la composition du Technosol (= le sol reconstitué). Il s'agit alors de trouver un Technosol adapté, qui utilise certes des déchets mais sans en créer de nouveaux !
- l'épaisseur de la couche de Technosol diminue d'une année sur l'autre en raison d'une part de son tassement, d'autre part de l'activité des communautés microbiennes du sol. Il faut donc en rajouter à chaque début de saison.
- le bac lui-même doit avoir la capacité de résister à l'usure
- tous les 30 ans en moyenne, il faut refaire l'étanchéité d'un toit. Lorsqu'un potager est installé dessus, cela signifie aussi qu'il faut le démonter.
- il y a une contrainte de poids sur un toit : il ne faut généralement pas dépasser 500kg/m²

L'agriculture urbaine, sans être à grande échelle, est pourtant bien aujourd'hui une réalité. Ainsi, en région Ile-de-France par exemple, on trouve des projets d'agriculture urbaine sur le toit d'un centre commercial à Aubervilliers, sur le toit d'un hôtel à Boulogne-Billancourt, ou encore sur le toit du siège de la RATP dans le 12e arrondissement de Paris où l'espace de culture et le poulailler sont entretenus par les collaborateurs !

Pour aller plus loin
Nous vous partageons des anecdotes amusantes. Nous parions que vous allez épater vos collègues et amis !

  • Pour alimenter 1 personne en fruits et légumes, il faut 50m² de maraîchage traditionnel. Pour alimenter tous les Parisiens, il faut alors 11 000 hectares de surface agricole (source).
  • Aux Etats-Unis, la distance entre le champ et l'assiette est de 2400 km (contre 1500 km en Europe)
  • Pour ceux qui lisent nos articles avec régularité : oui, c'est déjà la deuxième fois que nous vous présentons quelqu'un portant le prénom Thomas dans nos articles. En France, il y a 243842 Thomas (selon des sources internet). C'était d'ailleurs le deuxième prénom le plus populaire en 1990, derrière Kevin. Pour revoir le portrait de Thomas, éleveur dans les Ardennes, c'est par ici.

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